Sécurité d'approvisionnement

Production flexible de gaz pour l'intégration des énergies renouvelables

01.07.2025, 11:00 | Sécurité d'approvisionnement

À mesure que l’Europe augmente sa production d’énergie renouvelable, maintenir la stabilité du réseau devient de plus en plus complexe. La production d’électricité flexible à l’aide de centrales à gaz reste donc, pour l’instant, une composante nécessaire de l’équation énergétique. Alpiq œuvre activement à garantir la sécurité d’approvisionnement tout en favorisant l’intégration croissante des énergies renouvelables dans le système électrique. Le groupe énergétique modernise les centrales de son parc pour gagner en flexibilité et compléter la production éolienne et solaire intermittente. Les centrales sont appelées à fonctionner plus souvent, mais sur des périodes plus brèves. Il s’agit d’une réponse dictée par le marché pour contribuer à la sécurité d’approvisionnement dans un réseau électrique de plus en plus tributaire de la production d’énergie éolienne et solaire.

Nous avons profité de la fin des travaux de modernisation de la centrale à gaz d’Alpiq à San Severo, en Italie, pour nous entretenir avec Lukas Gresnigt, responsable International et membre de la Direction générale d’Alpiq, sur l’évolution du rôle du gaz dans le paysage énergétique actuel.

Plus une centrale est flexible, plus elle est en mesure de soutenir efficacement un système énergétique stable et fiable.

Lukas Gresnigt, responsable International chez Alpiq

Lukas, pourquoi Alpiq continue-t-elle d’investir dans des centrales à gaz flexibles alors que les énergies renouvelables sont en pleine expansion ?

L’augmentation rapide de la production d’énergie renouvelable accroît fortement le besoin de flexibilité. Si les barrages hydroélectriques et les batteries contribuent à la flexibilité, la production au gaz reste, pour l’instant, une solution de transition incontournable. Les mix énergétiques varient fortement d’un pays européen à l’autre, tandis que les capacités de stockage à grande échelle restent encore limitées. Dans des pays comme l’Espagne, la Hongrie et certaines régions d’Italie, les centrales à gaz continuent de jouer un rôle crucial pour garantir la sécurité d’approvisionnement et permettre l’intégration des énergies renouvelables. En modernisant les actifs gaziers existants plutôt que de construire de nouvelles infrastructures, nous renforçons la fiabilité du système. C’est une approche pragmatique qui soutient la transition énergétique en valorisant ce qui existe déjà.

Quelles sont les exigences actuelles en matière de flexibilité, et comment les centrales à gaz y répondent-elles ?

Une fois lancée, la production au gaz s’adapte instantanément aux besoins du réseau, tout en offrant une flexibilité durable lors des pics de demande et des creux de production renouvelable. Le fait que le gaz puisse être facilement stocké permet aux centrales à gaz de couvrir l’ensemble des besoins en flexibilité. Nous cherchons activement à adapter nos installations pour qu’elles puissent réagir le plus rapidement possible tout en limitant au maximum les émissions de CO2.

Comment Alpiq adapte-t-elle ses activités pour répondre à ces besoins de flexibilité ?

Nous modernisons nos centrales à gaz afin d’améliorer leur efficacité, mais surtout pour accroître leur flexibilité : nous renforçons leurs capacités de modulation et nous affinons le contrôle de la production. Par exemple, la centrale de Vercelli (Italie), que nous avons rénovée début 2024, reste à l’arrêt la plupart du temps et n’est mise en service que lorsqu’une capacité supplémentaire est nécessaire. Elle démarre donc fréquemment, mais sur des périodes limitées. En Hongrie, nous développons notre site de Csepel en y combinant des batteries et des moteurs à gaz, ce qui permet de répondre immédiatement aux besoins du réseau, même lorsque la centrale ne fonctionne pas. Plus une centrale est flexible, plus elle est en mesure de soutenir efficacement un système énergétique stable et fiable.

Quelles avancées ou innovations techniques ont été mises en œuvre dans le parc gazier d’Alpiq ?

Nous déployons de nouvelles turbines à gaz et à vapeur plus performantes ainsi que des systèmes de contrôle numérique dans l’ensemble de notre portefeuille pour permettre une régulation plus précise. Nous utilisons aussi des outils de maintenance prédictive qui contribuent à réduire les temps d’arrêt imprévus. La combinaison de plusieurs technologies, comme c’est le cas en Hongrie, renforce la flexibilité et ouvre la voie à de nouveaux modèles d’exploitation mieux adaptés aux besoins du réseau. En parallèle, nous investissons dans des projets BESS autonomes et suivons de près les avancées dans d’autres technologies de stockage d’énergie ainsi que dans l’électrification de l’industrie." Nous pensons qu'une combinaison de plus en plus diversifiée de technologies sera essentielle pour offrir la flexibilité requise pour la transition énergétique.

Quels résultats ont été obtenus grâce à ces améliorations ?

Notre programme de modernisation, qui s’est chiffré à plus de 113 millions d’euros de dépenses d’investissement approuvées en 2023 et 2024 pour des sites en Italie, en Hongrie et en Espagne, a déjà produit des résultats concrets. Nous ajoutons plus de 80 mégawatts de capacité flexible et avons amélioré le rendement global d’environ 1 %. Cela peut sembler peu, mais rien que pour San Severo, cela représente plus de 15 000 tonnes de CO2 en moins chaque année. Fait tout aussi essentiel : ces actifs sont désormais techniquement adaptés à des systèmes énergétiques plus flexibles et moins émetteurs de carbone.

La centrale électrique de San Severo prête à redémarrer après une importante modernisation

La centrale électrique au gaz de San Severo devrait reprendre son exploitation commerciale à plein régime d'ici la mi-juillet 2025, après une modernisation de 27,5 millions d'euros. Cette modernisation a permis d'améliorer l'efficacité d'environ 1 % et de réduire les émissions de CO2 d'environ 20 000 tonnes par an. Elle a également considérablement accru la flexibilité de la centrale afin de répondre aux besoins évolutifs du réseau. Désormais capable de fonctionner avec jusqu'à 25 % d'hydrogène, San Severo est techniquement prête à accueillir une gamme plus large de combustibles. Cet investissement renforce le rôle de la centrale dans la fiabilité du système énergétique italien.

Comment répondez-vous aux critiques selon lesquelles l’utilisation du gaz va à l’encontre des objectifs climatiques ?

Nous comprenons que cette question soulève des préoccupations légitimes, que nous reconnaissons pleinement. Le gaz n’est pas une solution de décarbonation à long terme, et nous sommes transparents à ce sujet. Toutefois, dans les régions où les énergies renouvelables et le stockage ne sont pas encore suffisants, le gaz continue de jouer un rôle essentiel pour la sécurité d’approvisionnement. Notre objectif est d’exploiter ces actifs de manière fiable et aussi efficace possible, tout en les supprimant progressivement au fur et à mesure que les technologies plus propres deviennent viables à grande échelle.

Quelle est la vision d’Alpiq à long terme pour ses actifs gaziers ?

Alpiq considère que la sécurité d’approvisionnement doit être assurée chaque jour, d’autant plus en période de transition énergétique. Le gaz continuera de répondre aux besoins croissants de flexibilité, en particulier pendant les périodes de tension sur le réseau ou de pénuries de production éolienne ou solaire, mais nous prévoyons de diminuer progressivement les heures de fonctionnement de ces centrales. Nous engageons en outre des investissements importants dans les systèmes de stockage sur batterie (BESS) et explorons des solutions alternatives pour apporter une flexibilité évolutive au système énergétique.

Une flexibilité pensée pour chaque marché

Les besoins en flexibilité diffèrent fortement d’un pays européen à l’autre. En Suisse, Alpiq mise sur l’énergie hydraulique pour garantir un équilibrage rapide et fiable. En Finlande, l’entreprise explore l’hydrogène comme solution modulable. Sur certains marchés, des batteries de stockage sont utilisées pour gérer les fluctuations à court terme, soutenues par des outils numériques d’optimisation. Là où le gaz reste indispensable, Alpiq ajuste ses technologies aux spécificités locales, avec pour priorité la stabilité et la résilience des systèmes.