Sécurité d'approvisionnement

« Le réseau électrique européen est comme un grand navire »

02.05.2025, 13:22 | Sécurité d'approvisionnement

Scénario en cas de blackout en Suisse

La panne de courant dans la péninsule ibérique a fait la une des journaux ces derniers jours. Un tel scénario pourrait-il se produire en Suisse et dans ce cas, comment rétablir la stabilité du réseau électrique ? Avec « Electra Massa », Alpiq dispose en Valais d’une centrale spéciale qui est l’une des rares à pouvoir relancer le réseau électrique. Romain Birbaum, responsable de l’équipe dans laquelle se trouve le centre de gestion des aménagements d’Alpiq, répond à quelques questions sur le sujet.

 

Romain, est-ce qu’un blackout total, comme celui des derniers jours en Espagne et au Portugal, pourrait également se produire en Suisse ?

Il y a 20 ans, le 18 janvier 2005, je venais de commencer chez Alpiq et un cas similaire s’est produit : à l’époque, la foudre s’était abattue près de Genève, causant une panne d’électricité massive qui a touché une grande partie de la région entre Genève et Lausanne. Donc oui, en théorie. Aujourd’hui encore, il n’est pas possible d’exclure complètement une panne de courant qui affecterait l’ensemble ou du moins une grande partie du réseau suisse. Mais dans la pratique, nous sommes très bien protégés et préparés.

Pourquoi est-il si difficile de relancer un réseau électrique après un blackout total ?

Je compare souvent le réseau électrique européen à un grand navire très stable face aux influences et fluctuations externes. En cas de panne de courant totale, de blackout complet donc, le réseau est rétabli par petits îlots, qui ressembleraient à de petites embarcations dans notre exemple. La production et la charge doivent alors être progressivement rétablies. La fréquence du réseau doit rester à 50 Hertz, ce qui n’est possible que si la production et la consommation sont équilibrées. En cas de déséquilibre trop important, le navire chavire et il faut tout recommencer. Il s’agit donc d’une mission à ne pas sous-estimer, qui ne fonctionne pas comme avec les fusibles à la maison.

Quelles mesures seraient prises dans ce cas en Suisse ?

En collaboration avec Swissgrid, nous organisons régulièrement des exercices pratiques et des formations qui simulent des scénarios de perturbations très diversifiés. Nous avons aussi des systèmes de protection qui minimisent les conséquences d’une panne en isolant la partie « défectueuse » du système. Dans la plupart des cas, lorsqu’une partie du réseau électrique fonctionne encore, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de blackout complet, la remise à disposition du réseau s’effectue en reconnectant les lignes de la partie « saine ». Les centrales et les consommateurs sont alors raccordés progressivement, en coordonnant les opérations. Car la difficulté est précisément de trouver le bon équilibre entre consommation et production.

Existe-t-il une approche méthodique à laquelle nous recourons en Suisse ?

Swissgrid a défini quatre zones en Suisse : « Centre », « Est », « Ouest » et « Sud », pour garantir le rétablissement du réseau en cas d’urgence. Chacune de ces zones dispose d’au moins une centrale électrique qui peut démarrer dans le « noir », c’est-à-dire sans approvisionnement en électricité externe, et fonctionner en « îlot », de manière indépendante. Ces centrales sont testées régulièrement. Cela permet de rétablir le réseau même en cas de défaillance totale du réseau électrique européen.

En cas de blackout en Suisse, Alpiq serait responsable, avec sa centrale Electra Massa, de rétablir l’électricité dans la région « Ouest ». Comment cela se déroulerait-il plus précisément ?

En cas de blackout, Alpiq demanderait aux collègues sur place de démarrer la centrale d’Electra Massa et de raccorder une charge d’environ 20 MW. Swissgrid se chargerait ensuite de coordonner avec les autres acteurs la remise à disposition du réseau, la synchronisation des zones et le rétablissement progressif de la connexion entre production et consommation. Nous avons un mandat de Swissgrid de « responsable de rétablissement du réseau de la cellule Ouest ».

Portrait

Romain Birbaum est Head of Grid, OT & System Management chez Alpiq depuis 2020. Dans cette fonction, il est responsable de l’équipe dont fait partie le centre de contrôle qui dirige et surveille la production d’électricité d’Alpiq. Les collègues du dispatching travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, également la nuit et le week-end, afin de garantir une alimentation électrique fiable et efficace. Diplômé de l’EPFL, Romain travaille depuis 2003 chez Alpiq à Lausanne, où il a occupé différents postes de direction.

De quelles capacités une telle centrale doit-elle disposer en cas d’urgence pour être en mesure de redémarrer le réseau électrique ?

Dans le jargon technique, nous appelons cela un « service système ». Pour nous charger de ce service système, nous devons disposer d’une centrale de commande qui puisse d’une part démarrer de manière autonome, sans réseau de distribution externe, et d’autre part être exploitée en « îlot » dans un réseau isolé. Ce sont les deux critères principaux. Et Electra Massa en est capable.